Elections du 23 juin 2004: nos questions culture/média Chapitre 3 | Les médias et les enfants (questions 11 à 18)QUESTION 17: L'éducation aux médias audiovisuels: tout le monde en parle mais son financement reste symbolique. Qu'en pensez-vous?- Christian Dupont, Ministre de la Culture (PS): Cela tient-il sans doute à la difficulté de la concrétiser. Pour l'opération "Ouvrir mon quotidien", on a quand même affecté annuellement 300.000 euros. Dans un certain nombre de journaux, il y a un certain nombres de pages consacrées aux plus jeunes (notamment dans Le Ligueur) qui me paraissent remarquablement écrites. Ce sont des pages "très grand public" qui pourraient s'adresser à d'autres qu'aux enfants. Affecter des moyens, oui. Mais sur quelle politique réelle? Que des objectifs se précisent et que l'on voit bien ce que l'on veut faire. - Olivier Chastel, Ministre de l'Audiovisuel et des Arts et Lettres (MR): D'abord, il faut s'entendre sur ce que l'on entend par éducation aux médias audiovisuels. J'estime que ce terme reprend plusieurs éléments importants. L'éducation à l'usage des médias devrait permettre aux public (principalement jeune) de développer un esprit critique par rapport aux contenus très divers qui sont transmis par les médias. Il me paraît indispensable que de telles capacités soient développées dans le cadre scolaire et je soutiens donc les initiatives qui vont dans ce sens. Par ailleurs, l'éducation à la technique des médias encourage les jeunes à s'impliquer dans la réalisation de production et dans la diffusion médiatique. Je pense que cette approche doit, elle aussi, être soutenue. Elle permet non seulement aux jeunes d'éveiller des capacités techniques qui pourront peut-être générer des vocations pour les métiers de l'audiovisuel. Dans bien des cas aussi, un tel projet mobilise l'ensemble des intervenants de l'école. Il permet de réunir parents, enfants, professeurs et éducateurs autour d'une réalisation commune et c'est très souvent une expérience enrichissante. Je voudrais profiter de cette occasion pour rappeler que l'adoption du nouveau plan de fréquences par le Gouvernement de la Communauté française a permis de dégager 31 fréquences qui pourront être attribuées dans le cadre de radios d'école. Le problème de la répartition des compétences par rapport à l'éducation au média est également important. En effet, de qui relève cette compétence? En 1999, cette compétence a été confiée au Ministre de l'enseignement secondaire et spécial. Très rapidement, on s'est rendu compte qu'il n'était pas normal de faire porter l'ensemble du budget par un Ministre alors que, clairement, l'éducation aux médias audiovisuels était également nécessaire dans l'enseignement fondamental et dans l'enseignement supérieur. Il s'agissait également d'une certaine manière d'éducation à la citoyenneté... Voilà déjà quatre Ministres qui pouvaient être responsables pour cette matière... sans parler du Ministre de l'audiovisuel qui jusqu'à présent n'était pas directement concerné et qui, hélas, n'a pas été amené jusqu'à présent à se positionner sur ce sujet! Je pense que le prochain Gouvernement ne pourra pas passer à coté d'un choix plus clair et consistant par rapport à cette importante mission. Une meilleure définition des responsabilités, des objectifs et des moyens sera donc indispensable. - Jean-Marc Nollet, Ministre de l'Enfance (ECOLO): C'est vrai. Moi, j'ai essayé de faire plus que d'en parler. J'ai lancé l'opération "Ouvrir mon quotidien" qui a touché 80% des classes des sixièmes primaires. Ce n'est pas simplement la diffusion de journaux en classe, c'est aussi tout l'accompagnement. En début de session, des outils sont proposés aux enfants et aux enseignants. Il y a des modules de formation, un site internet interactif, etc. On a mis en place un processus analogue pour "Cliquer Futé". Ce ne sont pas des projets mais bien des réalisations! Je regrette qu'on n'ait pas profité du décret qui réformait les médias pour décider que, l'année suivante, ce sera la 1ère et le 2ème secondaire qui seront également ciblés par l'opération. Puis, les 3ème et 4ème; enfin, les 5ème et 6ème! Que voulez-vous: je suis limité par mon seuil de compétences. Il faut donner de réels moyens au Conseil d'éducation aux médias (CEM) et à ses bras armés, ses trois centres de ressource. Plus que jamais, on a besoin de pareille initiative. Plus que jamais, il y a un réel besoin d'éducation aux médias. Encore plus lorsqu'il y a des relations fortes entre certains pouvoirs: pouvoir législatif, exécutif, judiciaire et médiatique. Et on sait combien c'est le cas! Les médias sont sous pression, entre le marteau financier et l'enclume politique. Il faut pouvoir réguler cette situation de multiple manières tout en garantissant l'indépendance éditoriale. L'éducation aux médias peut permettre que le lecteur devienne un pilier sur lequel le journaliste pourrait s'appuyer lorsqu'il écrit, afin de garder et renforcer son autonomie. - Bernard Hennebert: Le CEM que vous venez de citer vient de publier une carte blanche qui revendique que l'éducation aux médias ne se développe pas uniquement à l'école mais également auprès des adultes.- Jean-Marc Nollet: Oui. Vis-à-vis des adultes mais aussi vis-à-vis de l'éducation informelle. Je connais quelques écoles de devoirs qui font très bien de l'éducation aux médias, en regardant "Les Niouzz", par exemple. Il y a aussi les mouvements de jeunesse. Il faut avant tout développer le financement du CEM et de ses centres de ressource pour qu'ils puissent intervenir à l'école et ailleurs. - Bernard Hennebert: Y a-t-il des pistes pour trouver ce développement de budgets?- Jean-Marc Nollet: C'est franchement pas ce qui coûte le plus cher! Si le Ministre de l'audiovisuel s'engage dans cette voie-là encore avant la fin de cette législature, quant à moi, je suis prêt à doubler la mise, à prévoir également des subventions de mon département pour pareil dossier. Mais je trouve qu'il est important que cette mission ne soit pas seulement celle du Ministre de l'enseignement, parce qu'il y veille depuis le début de cette législature. Ce sont aussi des responsabilités qui sont du ressort du secteur de l'audiovisuel. Cette distance critique et cette capacité de renforcer le pouvoir des consommateurs que sont les téléspectateurs, les auditeurs et les lecteurs doivent être pris en charge par le secteur lui-même. J'ai dit au Président du CEM que si quelque chose se débloquait, j'étais prêt à participer à un tour de table au Gouvernement pour consolider mon apport. - Julie de Groote, Parlementaire (cdH): Nous, on est fondamentalement pour l'éducation aux médias! On a déjà proposé qu'elle soit programmée à l'intérieur de l'école. Nous avons présenté un projet de décret à la Communauté française pour éduquer aux médias écrits les jeunes élèves à l'école. Cette formation peut développer le sens critique, le sens de l'analyse, le sens du recul par rapport aux événements qu'on voit dans la vie. Nous souhaitons que les journalistes viennent dans les écoles afin d'aider les jeunes à décrypter la réalité. L'étape ultérieure sera d'éduquer également aux médias audiovisuels, dans la même logique que celle de la proposition que nous avions déposée et qui fut reprise pratiquement mot à mot tant mieux par le Gouvernement. - Bernard Hennebert: Les partisans de l'éducation aux médias viennent de publier une lettre ouverte où ils souhaitent que l'éducation aux médias atteigne également d'autres publics que celui des élèves... Faut-il développer de nouveaux financements pour ce faire?- Julie de Groote: Je pense qu'il faut former la nouvelle génération et donc qu'un effort important doit être réalisé dans l'enseignement scolaire. Pour les adultes, je crois que la RTBF doit jouer son rôle. On pourrait imaginer d'autres synergies mais il faudrait qu'elles soient porteuses. À travers les bibliothèques publiques, par exemple. - Bernard Hennebert: Pensez-vous que c'est une bonne idée de demander à la RTBF de faire très régulièrement de l'éducation aux médias? N'est-elle pas trop juge et partie? Croyez-vous qu'elle dévoilerait ses secrets de fabrication? Serait-elle capable d'expliquer concrètement, par exemple, quelle est l'influence de la publicité ou du sponsoring sur le contenu de ses propres programmes?- Julie de Groote: Etant maintenant dans l'opposition, j'aurais beau jeu de vous déclarer qu'il faudrait financer l'éducation aux médias de manière tout à fait séparée par un organisme qui ne soit pas juge et partie, qui ne soit pas dans la RTBF elle-même... Moi, en fait, je pense qu'il faut trouver vraiment une représentation des "usagers de l'audiovisuel" qui n'existe pas pour le moment. Par exemple, avec vos questions et votre action, le rôle que vous jouez n'est pas encore bien défini, ni formalisé. On se demande tout le temps: "Mais qui représente les usagers?". On cite alors votre nom et c'est presque devenu une boutade! Il ne faut pas transcrire cette réflexion ainsi... Je pense que c'est un vrai débat qu'il faut avoir. Il faut trouver, demain, une représentation formalisée de manière effective des usagers. Et que ceux-ci, ainsi, pourraient faire valoir leur point de vue au CSA, à l'intérieur de la RTBF,etc. Jusqu'à présent, il manque un point de vue formalisé des usagers. Le cas échéant, on pourrait changer le cadre réglementaire au sens large (le contrat de gestion de la RTBF, des décrets, etc.) pour devoir prendre en compte l'avis de ces représentants des usagers... Pour moi, c'est bien là le premier pas qu'il faut faire. Ces représentants des usagers, on devrait les entendre, et ce de manière obligatoire. Par contre, nous ne devrions pas nécessairement suivre leur avis.
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