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Bernard Hennebert est lun des nombreux signataires de la lettre ouverte "Eduquer aux médias, cela ne simprovise pas" qui fut notamment publiée par La Libre Belgique, le 14 avril 2004. Pour une vraie politique d'éducation aux médias en Communaute francaiseChacun se plaît aujourd'hui à souligner l'importance de l'éducation aux médias comme élément essentiel du développement d'une sociétédémocratique et comme passage obligé vers une citoyenneté responsable. Chacun argumente en faveur du développement de l'esprit critique face à l'abondance et à la diversité des messages médiatiques. L'unanimité est touchante mais laisse néanmoins perplexe. Trop souvent, en effet, on a l'impression que l'éducation aux médias n'est en définitive qu'un alibi qui permet au monde politique d'avoir bonne conscience lorsqu'on l'interpelle sur le prêt-à-porter audiovisuel, la pensée unique qui sous-tend la plupart des productions médiatiques, la violence et les stéréotypes de certains programmes ou encore les dérives de certaines pratiques liées à Internet. En dépit des affirmations répétées de la nécessité pour tout citoyen du 21ème siècle d'être éduqué aux médias, on s'aperçoit que le dispositif mis en place en 1995 reste d'une rare précarité eu égard aux missions que le législateur lui a attribuées. C'est effectivement le 19 mai 1995 que l'éducation aux médias a été officialisée par un arrêté du Gouvernement de la Communauté française. Par cet arrêté, la Communauté se dotait d'un Conseil de l'Education aux Médias (C.E.M.) et de trois centres de ressources, un par réseau d'enseignement. L'objectif prioritaire était bien de développer l'éducation aux médias et les pratiques pédagogiques devant tôt ou tard la concrétiser, non seulement dans l'enseignement, mais aussi dans les milieux associatifs, voire au sein même du monde des médias. C'était là un projet politique ambitieux qui allait notamment permettre à la Communauté française de refaire une partie de son retard en la matière par rapport à d'autres pays européens, comme la France et la Grande-Bretagne. Pratiquement dix ans plus tard, les résultats engrangés ne sont pas négligeables. L'éducation aux médias est présente dans un certain nombre de textes décrétaux, dans les rapports du CSA, dans les documents qui font référence aux Missions de l'Ecole, aux compétences disciplinaires et transversales. Elle est surtout présente dans la pratique pédagogique de beaucoup d'enseignants, que ceux-ci travaillent dans le fondamental, dans le secondaire ou dans le supérieur pédagogique. On aurait donc tout lieu de se réjouir, mais la situation des médias ne s'est pas figée à la fin du siècle dernier... Aussi, les dispositions prises à l'époque et surtout les moyens humains et financiers mis en uvre apparaissent aujourd'hui totalement inadaptés et dérisoires. Les mutations médiatiques et les avancées technologiques se sont, en effet, multipliées et le dispositif d'éducation aux médias ne permet plus de répondre avec un minimum d'efficacité aux exigences de situations nouvelles et d'un contexte appelé à évoluer très vite dans les années qui viennent. Citons simplement, à titre d'exemple, l'importance acquise par le multimédia et Internet, l'apparition de nouveaux formats dans les médias classiques, comme les programmes de télé-réalité, l'intérêt de relancer une éducation au cinéma qui prenne en compte de nouveaux supports comme le DVD ou de nouvelles pratiques comme le home cinema, l'urgence de la formation d'un lectorat critique en matière de presse écrite, les enjeux énormes de la téléphonie mobile et de ses extensions, la multiplication des jeux vidéo... Parallèlement à cette évolution technologique , il nous faut souligner une importante diversification des publics concernés. S'il est exact d'admettre que les médias imprègnent notre manière d'être et de penser, il convient alors de ne pas se limiter à l'éducation aux médias des seuls jeunes en âge scolaire. En fait, nous sommes tous concernés par les enjeux énormes que les médias, nouveaux ou classiques, exercent aujourd'hui sur nos représentations, nos choix sociétaux, notre comportement d'individu et de citoyen. Même si le public des enfants et des jeunes adolescents est resté un public à privilégier dans notre action, on ne peut sous-estimer le rôle exercé par les médias sur l'ensemble de la population, c'est à dire notamment sur les milieux associatifs, le milieu familial, le milieu professionnel, les adultes en difficulté d'insertion sociale ou les seniors. Le concept d' "éducation aux médias tout au long de la vie" a d'ailleurs tendance à s'imposer dans un certain nombre de pays européens et l'on perçoit clairement toute l'importance qu'il y a de prendre en compte, dès à présent, cette diversification des publics. Evolution technologique, diversification des médias et des publics concernés, multiplication aussi des programmes européens pour mettre en place des partenariats et des activités de formation en matière d' "e-learning" et d'éducation aux médias. Les centres de ressources et le Conseil de l'Education aux Médias sont régulièrement sollicités pour leur expertise et la qualité de leur travail, mais les moyens manquent cruellement pour nous permettre de faire l'appoint financier dans ces activités européennes. Ajoutons à cet ensemble de facteurs le fait que le subventionnement de l'éducation aux médias n'a guère évolué depuis dix ans et que la fragmentation des responsabilités ministérielles en la matière a généré un manque de cohérence entre les actions entreprises. Celles-ci, cependant, furent souvent de qualité, portant soit sur l'intégration de la presse écrite à l'école primaire ("Ouvrir mon Quotidien"), soit sur des opérations mettant en pratique l'éducation aux médias dans les écoles à discrimination positive, soit sur la formation des enseignants du fondamental, du secondaire et des catégories pédagogiques des Hautes Ecoles. Si chacun a donc voulu apporter sa pierre à l'édifice, l'impression qui prévaut est que les fondations existent certes, que des murs sortent de terre, mais que le bâtiment peine à prendre forme, faute de moyens chacun s'accorde à l'admettre mais aussi et surtout faute d'une véritable politique d'éducation aux médias. Une telle politique, en fait, ne demande qu'à voir le jour. Les matériaux sont là, mais épars et parfois même laissés à l'abandon. Pour leur donner vie et sens, il importe qu'ils soient rapidement intégrés à un projet d'ensemble. Puisque l'éducation aux médias est plébiscitée par toute la communauté éducative, par le monde politique, par les médias eux-mêmes, on est en droit d'espérer qu'un projet global élaboré en concertation avec tous les acteurs concernés, se mette enfin en place. Il serait heureux que ce projet puisse conduire à un dispositif décrétal qui assurerait à l'éducation aux médias en Communauté française pérennité et développement. La décision doit être prise rapidement, avant que les résultats acquis ne soient définitivement mis en péril et avant que tous les efforts accomplis jusqu'à présent soient sans lendemain. Signataires:
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