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Une "opinion" de Bernard Hennebert publiée le 20 septembre 2012 par "lemonde.be"

Moins de pub à la télé: la parole, enfin, au public?

Il va encore être beaucoup question dans les mois qui viennent de la suppression de la publicité de France Télévisions.
Maintenir cet héritage de Sarkozy en n'en diffusant pas après 20H (tout en conservant scandaleusement le sponsoring)ou opter pour la solution espagnole: l'interdiction intégrale?
Comment financer le manque à gagner? Oser imposer une taxe de type "pollueur-payeur" au monde de la publicité? Supprimer les programmes coûteux à paillettes initiés pour attirer les annonceurs et qui ne correspondent pas à des missions prioritaires de service public?

Mais va-t-on enfin susciter régulièrement l'avis des usagers? Ou, comme jusqu'à présent, accorder la parole surtout aux lobbies professionnels?

Le producteur s'exprime au nom du telespectateur!

Les chaînes parlent rarement bien de la présence de la publicité sur le service public notamment parce qu'elles se doivent de cultiver de bons contacts sur le long terme avec leurs annonceurs potentiels pour compléter leur finacement.

Lors des interminables débats qui suivirent l'annonce de Nicolas Sarzozy, ce sont surtout les producteurs qui eurent la charge de représenter les usagers. David Pujadas a présenté ainsi le producteur Jean-Pierre Guérindans son 20H sur France2: "C'est d'abord au téléspectateur qui est aussi notre invité que je m'adresse...". Pareille maladresse, sans doute involontaire (c'est pire!), crée inévitablement la confusion des rôles!

Nicolas Traube, un autre producteur, membre de la Commission Coppé, fut interrogé au cours d'un débat programmé sur France2 sur le fait que les téléspectateurs ne sont pas vraiment présents dans cette Commission.
L'interpellé expliqua qu'il n'en voyait pas l'intérêt et que, lui et ses confrères, avaient tenté durant leurs travaux de "mettre leur casquette de côté": "...Je ne suis pas sûr qu'un club des usagers soit indispensable quand on dessine la prochaine voiture!".

De l'à-priori à l'egard du public

Quand tant de personnes qui collaborent à la création ou à la diffusion de programmes pour l'audiovisuel reconnaissent souvent qu'elles prêtent peu d'attention au petit écran pendant leur temps de loisirs, on peut se demander si elles sont qualifiées pour défendre les intérêts des usagers.

Combien de leaders du petit monde de la télé sont persuadés de connaître les goûts des "ménagères de moins de 50 ans" alors que c'est bien eux qui imaginèrent pendant tant d'années que ce serait une hérésie que de diffuser au prime time du théâtre vivant, de l'opéra ou de grands documentaires...

D'autre part, aucune étude scientifique n'a été entreprise jusqu'à présent pour découvrir les causes de l'absence d'associations de téléspectateurs d'envergure alors que beaucoup reconnaissent l'importance du rôle de contre-pouvoir qu'elles devraient jouer face à un paysage audiovisuel qui s'industrialise de plus en plus, contraignant d'ailleurs toujours davantage créateurs et producteurs à réaliser des œuvres plus formatées et éloignées des missions fondamentales dévolues au service public.

La "médiation" mise en sourdine

La présence de représentants des créateurs ou des producteurs est, bien entendu, indispensable dans le débat sur l'évolution du service public de l'audiovisuel mais il conviendrait que tant l'autorité politique que le monde des médias accordent également un intérêt aux réflexions de deux autres interlocuteurs qui y demeurent des fantômes jusqu'à présent: ceux qui peuvent évaluer les besoins et les attentes du public ainsi que les représentants de la société civile.

Dès l'automne 2000, France2 programma dans sa grille du samedi, à 13H15 précises, L'Hebdo du Médiateur pour tenter de concerner le plus vaste auditoire. Cette tactique fut payante car l'émission attira à plusieurs reprises encore davantage de public que celui qui avait l'habitude de fréquenter le JT de 13H. Et pourtant, le 28 juin 2008, fut diffusée l'ultime édition de cette émission interactive. Il existait donc bien un programme conséquent (une vingtaine de minutes) qui permettait au public et au secteur associatif de donner leur avis sur l'évolution de la ligne éditoriale de "leur" service public.
France2 n'a jamais pris le temps d'expliquer à l'antenne la raison de cet arrêt. Il faudra attendre le 5 juillet 2010 pour découvrir dans Le Monde cette réaction du sociologue Jean-Marie Charon: "(Cette disparition) est une véritable régression. En faisant preuve d'une telle frilosité, les directions de l'audiovisuel public vont à contresens de l'histoire des médias. Les médiateurs sont plus que jamais d'actualité, tant le débat entre la société et ses journalistes a pris de l'ampleur".

"J'accueille volontiers la suggestion"

Le 14 juin 2008, lors d'un débat au Théâtre des Amandiers de Nanterre, je fis une proposition concrète à Jérôme Clément, alors président d'Arte France. La chaîne qu'il dirige est exempte de publicité, ce qui devrait lui permettre de diffuser avec plus d'autonomie une soirée axée sur la présence ou non de la publicité sur les diffuseurs publics.
Il me répondit: "...On peut parfaitement concrétiser (cette proposition), à condition de la traiter sous son aspect européen. J'accueille volontiers la suggestion. Ce serait une très bonne idée (...). Il faut éviter un débat entre spécialistes et que cela puisse être suffisamment large pour qu'on prenne en compte le point de vue des téléspectateurs".

Les années ont passé. Jérôme Clément a quitté Arte sans donner suite à cette déclaration.
Même non soumis à l'influence des annonceurs et des publicitaires, le monde de l'audiovisuel est donc bien frileux lorsqu'il s'agit de donner la parole sur cette thématique à celui pour lequel il est censé travailler: le public.

Bernard Hennebert



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