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Texte publié le 16 septembre 2012 35 ans après: en 2012, France Télévisions néglige toujours "l'affaire Sardou"Le 15 mars 2012, alors que le tournage avait commencé depuis près de deux mois, le chanteur Michel Sardou change subitement d'avis sur le documentaire que France 2 avait décidé de lui consacrer. Il ne veut plus que se poursuive la réalisation de ce numéro de l'émission "Un jour, un destin" présentée par Laurent Delahousse, dont la diffusion était prévue pour la rentrée de septembre 2012. Le Figaro du 26 mars 2012 divulgue cette information: "C'est une première à ce stade du projet. Pourtant, quelques mois plus tôt, la production et l'artiste fan de l'émission s'étaient entendus. Las, l'équipe de journalistes et de techniciens s'est retrouvée au chômage. Le chanteur-comédien a sans doute réalisé l'impact de l'émission et a eu peur de se dévoiler...". Lorsque, ce jour-là, par un appel sur mon gsm émanant de Magoto Presse, j'ai été informé de ce revirement qui s'apparente sans doute à une forme de censure, je visitais l'exposition Sempé organisée par l'Hôtel de Ville de Paris. Je devais en effet être interviewé comme témoin privilégié de la série de concerts malmenés en 1977. Voilà donc trente-cinq années que je rongeais mon frein pour présenter ma version des faits. Entre-temps, Michel Sardou a régulièrement eu l'occasion de repréciser son propre témoignage, à sens unique. Où est la vérité historique, sans confrontation des sources? Alors que les recherches sur Google se développent, il est facile de retrouver ma trace puisque, sur mon site www.consoloisirs.be, je détaille quelque peu les actions anti-Sardou de l'époque et j'y diffuse même une photo ainsi légendée: "600 personnes manifestent devant Forest National où Michel Sardou chante "Je suis pour" (la peine de mort)" (à découvrir au bas de cette page). Près de cinq ans plus tôt, j'avais déjà vécu une aventure sans issue assez semblable. "France Télévisions" avait également financé mon voyage Bruxelles-Paris pour répondre à une interview sur la même thématique. Le 25 juin 2008, Fabienne Bardou, d'Air Prod, pour un documentaire à diffuser sur France 3, m'avait convié à rejoindre près de l'Opéra Bastille, pour un long entretien, Louis-Jean Calvet, le célèbre linguiste engagé (http://louis-jean.calvet.pagesperso-orange.fr/accueil.htm), qui avait naguère coécrit avec le regretté Jean-Claude Klein, paru aux Éditions Savelli, un sulfureux et bien documenté "Faut-il brûler Michel Sardou?". Cette fois-là, l'enregistrement fut bien mis en boîte mais l'émission ne sera jamais diffusée. En tout cas, les téléspectateurs n'ont guère droit à un travail d'investigation en ce qui le concerne, ce qui est consternant de la part de deux diffuseurs publics. Selon Le Nouvel Obs (6 septembre 2012), c'est un calvaire de 120 minutes où il ne se passe presque rien, où l'auteur du document ne pose pas, à l'inverse de ce à quoi elle nous à habitués durant toute sa carrière, "ses questions très délicates avec un sourire désarmant". Des "tubes" liés à une actualité brûlanteAu milieu des années '70, parallèlement à la promotion d'une culture différente (Colette Magny, Catherine Ribeiro, Jacques Higelin et Areski, Brigitte Fontaine, Bernard Lavilliers, Catherine et Maxime Le Forestier, André Bialek, Claude Semal, etc.), je m'intéresse aux coulisses du show-business. N'est-il pas complémentaire, voire indispensable, de démonter le royaume du faux et du cynisme clinquant pour donner envie au public de découvrir aussi des chemins plus authentiques? L'exemple le plus signifiant: la chanson "Je suis pour". Elle est créée en 1976, lors de l'affaire Patrick Henry. Celui-ci a tué un enfant de huit ans, Philippe Bertrand. "J'aurai ta peau, tu périras, "Strip-tease" à 20h30, et non vers 23h!La vie des médias en Belgique francophone fut quelque peu différente de ce qui se passa en France. En effet, après mai 1968, en Wallonie et à Bruxelles, le public potentiel pour permettre à un journal quotidien de gauche de se rentabiliser est trop faible. Plutôt que de créer des outils d'information indépendants du pouvoir en place, comme Libération en France, nombre de journalistes (et d'animateurs culturels) réussissent à se faire engager par les médias publics ou le ministère de la Culture. Ainsi, le journal télévisé de la RTB (sans F, francophone, à l'époque) deviendra réellement "pluraliste": présenté autant par des journalistes de droite bien frappée (Luc Beyer) que par d'anciens proches de l'extrême gauche (Jean-Jacques Jespers). Pendant une vingtaine d'années, le prime-time ertébéen proposera des émissions d'information, de défense des consommateurs, etc., qu'on retrouve davantage (à l'exception de "Envoyé Spécial") vers 22h00 ou 23h00 sur les chaînes de service public en France: "Strip-Tease" en est un exemple tangible car cette émission est diffusée sur les deux chaînes (vers 20h20 à la RTBF, et 23h00 sur France3). Cette stratégie médiatique différente mène, bien entendu, très progressivement à des résultats. Ceci se vérifie aussi dans le secteur de la culture. Grâce aux "Tournées Art et Vie" (joli nom!), une partie (50 à 75%) des cachets des artistes (chanteurs, théâtre, conférences, etc.) est subventionnée lorsque ceux-ci sont programmés dans des maisons de jeunes, des centres culturels, etc. Là, également: un pluralisme authentique. Qui allait jusqu'à aider ainsi les prestations du groupe GAM dont la spécificité consistait à écrire des chansons de lutte avec des ouvriers qui étaient en grève (http://www.legroupegam.be/). Tenter d'expliquer, plutôt que d'interdirePour son concert du 18 février 1977, les annonces du concert de Forest-National provoquèrent un émoi certain, puisqu'elles se succédaient au moment où "Je suis pour" triomphait dans les charts. Quelques réunions rassemblèrent des groupes politisés (d'extrême gauche) et des mouvements dits "progressistes" (maisons de jeunes, Médiathèque, etc.). Plusieurs tracts furent publiés, plus ou moins radicaux, et des affiches du concert contesté furent taguées d'un "Sardou: hors de Belgique", par exemple. Le consensus, pour les différents intervenants, alla dans le sens d'une manifestation "d'éducation permanente", l'objectif étant non pas de faire interdire le concert mais de tenter de sensibiliser le public du chanteur aux textes que celui-ci célébrait. Le tract dont je fus l'éditeur était intitulé "Sardou, qui es-tu?". Il ne s'agissait pas d'empêcher les concerts, mais de remettre en question, assez fermement, le contenu de son répertoire: La présentation de ce qui s'est réellement passé à Forest-National est bien différente de ce que Wikipedia indique encore aujourd'hui, dans la foulée de tant d'autres médias: ""Les comités Anti-Sardou" se donnent pour but d'empêcher le chanteur de donner ses récitals". RTBF(f): "Des chansons d'extrême droite avec sardou"Le concert bruxellois s'est bel et bien déroulé. Il n'y eut aucun incident grave. Le public de Sardou fut accueilli sur l'esplanade de Forest-National par de nombreux gendarmes et par près de six cents manifestants qui marquaient vigoureusement mais pacifiquement leur opposition au contenu du répertoire de Sardou. La nature quelque peu différente (décrite plus haut) des services publics de l'audiovisuel français et belge apparaît dans le traitement des JT, ce soir-là, sur Antenne 2 ainsi qu'à la RTB(F). Ils distribuaient des tracts et agitaient des calicots, mais n'avaient aucune intention d'empêcher le concert. Leur seul souhait: discuter avec les gens qui aimaient Sardou, les interroger, les informer. Le reportage d'Antenne 2, "Chanson et tolérance", était légèrement plus nuancé. Deux déclarations succinctes des manifestants y contrastaient avec une interview relativement longuette d'un Sardou affairé à son maquillage. Les chaînes de radio et de TV françaises ont ostensiblement privilégié le côté sensationnel de l'opposition belge à la tournée ‘77 de Michel Sardou. C'était un bon sujet pour leur taux d'écoute (la séquence était annoncée dans les sommaires et passait vers la fin des émissions), et aussi une bonne occasion de présenter à peu de frais des extraits du tour de chant de la vedette du showbiz. Le soir même de l'événement, les trois éditions du journal télévisé belge présentèrent des éclairages pluralistes, complémentaires et nuancés. Après des interviews détaillées d'un des organisateurs du rassemblement anti-Sardou et du chanteur lui-même (JT1), ainsi que des images de la manif-distribution-de-tracts (JT2), le journaliste qui présentait le JT3, vers 23h, annonça que sa consœur qui avait commenté la séquence Sardou du JT2 avait reçu des menaces téléphoniques de viol. Il proposa ensuite une analyse détaillée des textes litigieux de certaines chansons de Sardou, après avoir souligné que la chanson n'était jamais neutre: "Il y a des chansons de gauche avec Jean Ferrat, déclara-t-il à l'antenne, de droite avec Gilbert Bécaud et d'extrême droite avec Michel Sardou". "Antenne 2" exige qu'on fabrique des calicots!Certes, le reportage du journal télévisé d'Antenne2 a montré l'aspect "éducatif", "explicatif", de la manifestation en donnant la parole à l'un des organisateurs, Jean-Pierre Braine, qui, à l'époque, représentait la Maison des Jeunes de Forest. Il déclara: "(...) Toute notre action vise à ce que les gens qui viennent à Forest-National, viennent écouter Sardou mais également réfléchissent (...)". L'équipe d'Antenne 2 débarqua sur l'esplanade de Forest-National, durant l'après-midi, en pleins préparatifs de l'action. Les organisateurs n'avaient pas prévu de calicots, puisqu'il s'agissait simplement d'une séance de distribution de tracts aux spectateurs de Sardou. Cela n'a guère plu au média français qui menaça de ne pas tourner s'il ne pouvait pas avoir "de bonnes images". Les organisateurs furent ainsi forcés d'improviser la réalisation de banderoles et d'affiches, quasi sous la direction de l'équipe d'Antenne2. Ce qui se voulait une tentative de dialogue avec les spectateurs deviendra, au grand regret des organisateurs bruxellois, une manifestation dont le but serait l'interdiction des concerts de Sardou. C'est cette option quasi mensongère qui sera imposée à tous par une imposante médiatisation. Elle aura pour conséquence le fait que des concerts seront effectivement annulés au cours de la suite de la tournée en France. Les militants bruxellois se retrouveront isolés, et souvent incompris, car d'autres chanteurs emblématiques comme Yves Montand ou Maxime Le Forestier, qui étaient par nature leurs alliés, apporteront leur soutien au chanteur "censuré", puisque sa liberté d'expression était entravée. Pour son mensuel: des journalistes de "Minute"Michel Sardou méritait-il pareille agitation? Était-il vraiment aussi réac qu'on l'a prétendu? Ne commettrait-il pas la même erreur qu'un Paul Amar qui interviewa naguère Le Pen (père) avec des gants de boxe? Cette attitude qui aurait pu être étincelante dans un talk-show de fin de soirée sur une chaîne cryptée passa très mal, car perçue au premier degré, à la "grand-messe" du 20h! En 2007: davantage que les meurtres d'enfants...Trente ans après cette maudite tournée abrégée, Marc Olivier Fogiel avait invité Michel Sardou dans son talk-show sur M6, le 7septembre 2007. Bernard Hennebert |
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