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Carte blanche parue dans “Libération” le 8 septembre 2008 et dans “La Libre Belgique” le 10 septembre 2008 Et si la télévision écoutait ses téléspectateursPar Bernard Hennebert, Coordinateur du site www.consoloisirs.be, auteur de “Mode d’emploi pour téléspectateurs actifs” (Labor) et “Il faut sauver la RTBF” (Couleur Livres), La plupart des chaînes de télévision parlent mal de la présence de la publicité sur le service public notamment parce qu'elles sont "juge et partie" ou qu'elles se doivent de cultiver de bons contacts avec leurs annonceurs. Sur ce thème, on y donne la parole surtout aux personnalités politiques ainsi qu’aux représentants des travailleurs de l’audiovisuel ou des créateurs. Les usagers du petit écran sont trop rarement invités à débattre et ce sont surtout les producteurs qui sont chargés de les représenter. Par exemple, le 18 juin dernier sur France2, pour présenter le rapport de la Commission Coppé, David Pujadas a invité en plateau uniquement le producteur Jean-Pierre Guérin introduit par un “C’est d’abord au téléspectateur qu’est aussi notre invité que je m’adresse...” qui créa la confusion des rôles. Dix jours plus tard, Nicolas Traube, un autre producteur également membre de la Commission Coppé, a été interpellé au cours de L’Hebdo du Médiateur, l’émission de médiation de France2, par un téléspectateur membre du Club France Télévisions, organisation censée être “le lieu priviliégé de la rencontre entre les téléspectateurs et leur télévision publique”. Cette initiative lancée fin 2006 compte actuellement près de deux millions de membres. À la question de savoir pourquoi ce Club n’était pas représenté dans la Commission(1), Mr Traube expliqua qu’il n’en voyait pas l’intérêt et que lui et ses confrères du groupe de réflexion institué par Nicolas Sarkozy avaient tenté durant leurs travaux de mettre leur casquette de côté: “...Je ne suis pas sûr qu’un club des usagers soit indispensable quand on dessine la prochaine voiture!”. Beaucoup trop d’a-prioriQuand on sait que nombre de personnes qui collaborent à la création de programmes pour l’audiovisuel reconnaissent souvent regarder parcimonieusement le petit écran pendant leur temps de loisirs, on peut s’interroger s’ils sont réellement qualifiés pour défendre les intérêts des usagers, tout comme ces derniers, même s’ils rangeaient leurs lunettes dans leurs étuis, pourraient difficilement représenter les producteurs! Combien de membres du petit monde de la télé pensent connaître les goûts des “ménagères de moins de 50 ans” alors que c’est bien eux qui, à l’inverse de la réalité, imaginaient que ce serait une hérésie que de diffuser au prime time du théâtre vivant, de l’opéra ou de grands documentaires... Et si une partie non négligeable du public était en attente, même fatigué dans ses pantoufles, d’une télévision qui les élève, bien plus curieux que ce que pensent certains cyniques? Beaucoup d’a-priori concernent le public de la télévision. De nombreuses assertions sont ressassées à son propos sans aucun début de preuve. Tout le monde des professionnels sait que les chiffres de l’audimat sont plus qu’approximatifs mais chacun joue le jeu de l’ignorer, à défaut d’autre système de mesure pour établir la tarification publicitaire. Plusieurs spécialistes belges et français s’accordent pourtant sur le fait que les panels utilisés pour savoir sur quelles chaînes les téléspectateurs sont branchés (on ne sait même pas s’ils les regardent, encore moins s’ils les apprécient) favorisent les consommateurs qui gardent leur poste allumé trois heures et plus par jour et qui ont un profil sociologique à se passionner davantage pour TF1, M6 ou RTL TVI que pour France Télévisions ou la RTBF. Aucune étude scientifique n’a été entreprise jusqu’à présent pour découvrir les causes de l’absence d’associations de téléspectateurs d’envergure alors que beaucoup reconnaissent l’importance du rôle de contre-pouvoir qu’elles devraient jouer face à un paysage audiovisuel qui s’industrialise de plus en plus et contraint d’ailleurs toujours davantage créateurs et producteurs à réaliser des œuvres de plus en plus formatées et éloignées d’émissions fondamentales au service public. Les usagers qui sont le but même de l’audiovisuel seraient-ils donc également ceux dont on se méfierait plus? En 2003 et 2005, les Pieds dans le PAF avaient déposé en vain une candidature pour la nomination d’un téléspectateur au CSA et ce, malgré le soutien d’une septantaine d’associations, de partis politiques, de syndicats. Et en Belgique, la ministre de l’audiovisuel et de la culture Fadila Laanan a refusé en 2007 d’organiser un débat public avant que les parlementaires ne décident d’augmenter la présence publicitaire à la RTBF alors qu’une centaine de personnalités lui en avait fait la demande (L’Appel des 100) et qu’elle avait, par contre, au même moment mis en place une initiative analogue, mais en ce qui concerne l’évolution de la culture (Les Etats Généraux de la Culture). La présence de représentants des créateurs ou des producteurs est bien entendu indispensable dans le débat sur l’évolution du service public de l’audiovisuel mais il conviendrait que tant l’autorité politique que le monde des médias accordent également un intérêt aux réflexions de deux autres interlocuteurs qui y demeurent des fantômes jusqu’à présent: ceux qui peuvent évaluer les besoins et les attentes du public ainsi que les représentants de la société civile. On découvrirait alors sans doute qu’en plus d’un manque de programmes culturels de qualité au prime-time, il faudrait plancher sur la création d’émissions sociales qui sont quasi inexistantes dans les grilles actuelles. Pour prendre un seul exemple: tant en Belgique qu’en France, le secteur associatif revendique ou pétitionne en vain pour la mise à l’antenne sur des chaînes généralistes de programmes sur l’enseignement. Puisse ainsi les pouvoirs publics offrir les outils audiovisuels à domicile aux adultes qui souhaitent mieux exercer leur “métier” de parents(2). Arte et la pub à la télé
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