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Carte blanche parue dans Le Soir du 31 janvier 2008

16 associations déclarent:
RTBF sans pub: Sans enquête, le débat ne servira à rien!

Le 25 avril 2007, le sénateur socialiste Jean Cornil posait la question: "...La RTBF pourrait-elle devenir une chaîne sans publicité? Plus qu'un débat, cette question mérite que soit organisée une véritable réflexion réunissant différents experts capables de mettre sur la table des pistes alternatives de financement de la RTBF et qui ne mettent pas en péril les autres politiques de la Communauté française. Je suis prêt, avec d'autres au PS, à participer à une telle initiative...".

Tout au long de la période précédant l'adoption du nouveau contrat de gestion du service public, la majorité PS/CDH de la communauté française (à l'exception de M.Procureur) s'est contentée d'affirmer sans relâche que la RTBF a besoin des recettes de la publicité pour remplir ses missions.

La publicité serait-elle donc inéluctablement un "mal nécessaire" à subir, que l'on ne pourrait ni remettre en cause, ni étudier, ni discuter?

Et pourtant, les raisons d'en discuter ne manquent pas. Il y a d'abord le sentiment de saturation de la population vis-à-vis de la publicité. Selon un sondage réalisé en 2003 par le bureau Significant GfK, 75% des belges estiment qu'il y a trop de publicité à la télévision.

Une part de l'irritation provient de l'impact sur la programmation: films interrompus, recalage des émissions culturelles en fin de soirée, non respect des horaires annoncés, programmes de faible qualité destinés à "capter" de la publicité commerciale... Toutes ces mesures sont prises avant tout pour se couler dans la logique de l'audimat et assurer une place à la publicité aux heures de grande audience. Certes il est naturel qu'une chaîne de radio et de télévision se soucie de l'audience qu'elle touche. Mais un très vaste public aspire à regarder des chaînes sans publicité, ni sponsoring, à redécouvrir en début de soirée des émissions qui en ont été retirées. Rappelons, à titre d'exemple, que pendant deux saisons, "L'Hebdo" (ancêtre de "Questions à la Une") fut diffusé dans la foulée du JT de 19H30, sans pause publicitaire. Il attirait alors en moyenne 100.000 téléspectateurs en plus par rapport à d'autres diffusions de cette émission, qui furent entourées de "tunnels publicitaires".

Ensuite, il faut rappeler que c'est le consommateur qui paie la publicité. Le coût de celle-ci est en effet intégralement inclus dans le coût des produits qu'on nous incite à acheter en en faisant la pub! La RTBF vit d'une dotation publique octroyée par la Communauté française et de la manne publicitaire. L'une et l'autre sont payées par l'usager-consommateur. Néanmoins, il y a une distinction fondamentale à faire entre ces deux types de financement. L'argent que nous déboursons pour la pub sert uniquement des intérêts privés (ceux des entreprises qui font de la pub) tandis que la dotation publique est au service de l'intérêt public.

De plus, le coût publicitaire ne se paye pas seulement en euros. A l'heure actuelle, nous prenons de plus en plus conscience des effets produits par nos modes de consommation, dont la pub est un vecteur essentiel. De plus en plus de personnes souffrent d'obésité, de diabète. Les ressources naturelles non renouvelables s'épuisent, le climat est bouleversé... Comment justifier encore que le service public d'audiovisuel se fasse le support de messages privés incitant à consommer toujours davantage?

L'actualité vient s'ajouter à ces motivations. Nicolas Sarkozy a déclaré dernièrement qu'il souhaite la suppression totale de la publicité commerciale à France Télévisions pour le 1er janvier 2009. Par ailleurs, la Commission Européenne (DG concurrence) ouvrait une consultation sur les règles de financement des services publics d'audiovisuel.

Quelles que puissent être les motivations et les intérêts qui les sous-tendent, ces deux mesures auront un impact direct pour la RTBF. Entre autres, le bouleversement du paysage audiovisuel que la décision française impliquerait pourrait d'une part, modifier en profondeur l'aptitude de Reyers à capter des revenus publicitaires, et d'autre part, conduire à l'imposition de règles européennes plus strictes en matière de combinaisons de recettes publiques (dotation) et privées (publicité) dans le financement des services publics d'audiovisuel. Dans ces deux cas, l'apport d'argent issu des recettes publicitaires à la RTBF est remis en question. Or, elle en est pour l'instant dépendante pour le quart de son budget.

Toutes ces raisons justifient pleinement la tenue d'un large débat citoyen sur les missions et le mode de financement de cet outil de service public qu'est la RTBF. Avant tout, il doit être précédé d'une étude approfondie de type scientifique sur les possibilités de financement d'une RTBF sans pub, et ce sans toucher à l'équilibre budgétaire de la Communauté française, y compris dans sa répartition interne. Cette étude devrait être réalisée rapidement et sur fonds publics, comme il en a existé pour évaluer les effets de programmes audiovisuels (par exemple sur la violence ou les stéréotypes sexistes). Des pistes sont à explorer pour envisager un financement alternatif, parmi lesquelles la taxation de la publicité non pas auprès des diffuseurs (comme le prévoit le projet français) mais bien des annonceurs, en vertu du principe du pollueur-payeur.

Débarrasser la RTBF de la pression commerciale est une condition sine qua non pour revaloriser le service public audiovisuel, outil démocratique majeur et acteur social indispensable pour faire face aux défis d'aujourd'hui.

Signataires:

  • Attac Wallonie-Bruxelles
  • le Conseil de la Jeunesse d'Expression Francophone
  • le Crioc
  • Consoloisirs
  • Culture et Développement
  • Grappe
  • le Gsara
  • les Equipes populaires
  • les Femmes Prévoyantes socialistes
  • Inter-Environnement Bruxelles
  • Inter-Environnement Wallonie
  • la Ligue des Familles
  • le MOC
  • le Réseau Idée
  • Respire asbl
  • Vie Féminine


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