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Carte blanche signée par un collectif d’une cinquantaine de personnalités de la vie civile (voir liste ci-dessous) et publiée dans Le Soir du 17 octobre 2007 Le CSA confisquéCarte blanche signée par un collectif d’une cinquantaine de personnalités de la vie civile (voir ci-dessous) et publiée dans “Le Soir” du 17 octobre 2007 C'est le Gouvernement de la Communauté française qui est chargé de nommer, tous les 5 ans, les membres du Bureau: un président et trois vice-présidents, sans l'aval desquels rien ne se décide au CSA. Ces postes sont "étiquetés" politiquement et distribués entre partis en fonction du résultat sorti des urnes. Et aujourd'hui, les principes que le CSA est censé faire respecter dans l'univers de l'audiovisuel à savoir la diversité, l'éthique, l'indépendance, ou encore la pluralité des tendances idéologiques et philosophiques semblent moins que jamais prioritaires lorsqu'il s'agit de composer ses propres instances dirigeantes. Il est vrai que le CSA, ces derniers mois, s'est illustré par des décisions fort peu agréables pour certains grands opérateurs. En tête de ceux-ci: la RTBF, qui n'a pas apprécié l'intervention du régulateur dans la négociation de son contrat de gestion particulièrement pro-publicitaire. Et RTL-TVi, en conflit ouvert avec le CSA depuis sa "délocalisation" au Luxembourg (RTL-TVi s'est notamment vu infliger une amende record de 500.000 euros dans ce cadre, toujours impayée actuellement). En quelque sorte, même si son bilan n'est pas parfait, la direction du CSA paie le prix de son bon travail: avoir “simplement” privilégié l'indépendance de son institution, à l'inverse d'une logique particratique. Trop indépendant, donc, le CSA... mais de quoi parle-t-on, au juste? Le CSA est, comme la Loi l'indique, une autorité administrative indépendante, c'est-à-dire un organe administratif qui ne dépend pas de la Ministre de l'audiovisuel, au contraire du reste de l'administration. Partout en Europe, on installe de tels organes indépendants pour réguler divers secteurs sensibles (télécoms, médias, mais aussi énergie), afin d'éviter autant que possible les conflits d'intérêts et garantir le fonctionnement démocratique des institutions. Le cas de l'audiovisuel est particulier en ce sens qu'il est le lieu de combats politiques féroces: on sait l'importance cruciale qu'a prise “ la com' “ dans nos démocraties. Les élus, avides d'accès aux grands médias pour entretenir leur notoriété, sont tentés de faire montre de complaisance pour gagner ou garder les faveurs de tel ou tel organe médiatique. En témoignent, par exemple, les récentes adaptations à la Loi en vue d'assouplir les règles relatives aux pratiques publicitaires en télévision, notamment le plafond des recettes publicitaires de la RTBF que la majorité a fait sauter, en totale contradiction avec les promesses pré-électorales des deux partis qui la composent. C'est pour cette raison que la mission de contrôler les radios et les télévisions est confiée à un régulateur autonome, sorte "d'empêcheur de tourner en rond" conçu pour faire respecter le droit de l'audiovisuel, et pas aux décideurs politiques qui sont par définition susceptibles d'entrer en conflit d'intérêts. L'indépendance de l'organe de contrôle est donc une condition absolument nécessaire pour protéger l'intérêt général. Téléguidé par des élus ou des partis, il serait incapable d'assurer la défense des usagers et de garantir la diversité du paysage audiovisuel face aux appétits sans scrupules et aux délires mégalomanes de l'industrie médiatico-publicitaire. Il s'agit là d'enjeux démocratiques très concrets et bien réels, au coeur desquels le principe d'indépendance constitue un garde-fou essentiel. La reprise en main annoncée du CSA est donc une mauvaise nouvelle pour ceux que cette institution a la mission de défendre: le public, les opérateurs audiovisuels de moindre taille, dont les radios d'expression, les télévisions locales, mais aussi les journalistes, les producteurs indépendants, les auteurs, les artistes belges, le monde culturel, le jeune public, les sourds et malentendants... Du côté de l'industrie des médias, on se frotte les mains. Pour les grands opérateurs qui dominent le secteur, le CSA est un obstacle. Il leur est en effet plus simple de négocier directement avec les partis au pouvoir, trop heureux de voir les médias venir leur manger dans la main. Un jeu de donnant-donnant dans lequel, s'il venait à être "bétonné", le CSA sera réduit à jouer les “presse-boutons” du PS et du CDH et à user de beaucoup de créativité pour faire entrer dans le cadre légal les petits arrangements de la majorité, mais aussi à fournir un alibi "d'indépendance" derrière lequel les politiques pourraient toujours se retrancher. Inutile de souligner qu'il s'agirait là d'une confiscation intolérable aux yeux de tout démocrate qui se respecte. Certains l'ont bien compris, et une proposition de modification de la procédure de désignation du Bureau du CSA est d'ores et déjà sur la table du Parlement. Il est encore temps d'organiser cette nomination sur des bases transparentes et objectives, afin de renforcer l'indépendance du CSA voulue par le législateur... et par la Ministre Laanan elle-même, si l’on en croit la déclaration qu’elle vient de faire au Parlement. Signataires
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