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Que les Etats Généraux consacrent 1/3 de leur énergie aux usagers culturels!Intervention de B. Hennebert, le 18/02/2005, à la séance "Musiques non classiques"Ce serait une grave erreur que les Etats Généraux de la Culture soient uniquement ceux des créateurs et de leurs diffuseurs. Les industriels qui gèrent les "produits" culturels développent leurs stratégies et font évoluer les pratiques commerciales selon leurs intérêts avec beaucoup plus de facilités que dans d'autres secteurs de la vie économique car les balises sont inexistantes et les réglementations peu nombreuses. On n'a pas adapté à la culture les droits chèrement conquis des consommateurs de médicaments ou de boîtes de pois-carottes: la date de fraîcheur, le poids et la mention exhaustive des ingrédients qui sont les premiers outils qui permettent au public d'acheter en connaissance de cause et, ensuite, se plaindre si le contenu du produit ne correspond pas à son étiquettage. Bien entendu, il faut éviter les jugements de valeur en culture. On ne va surtout pas, comme le fit naguère Test-Achat, comparer des interprétations différentes d'une même symphonies (se bagarrer contre le verrouillage des CD, comme le fait maintenant cette association, me semble plus adéquat). Par contre , il y a des éléments objectifs qui ne trompent pas. Un exemple concret. Pourquoi les productions culturelles peuvent-elles dans leur matériel promotionnel n'indiquer que les ingrédients valorisants et oublier de mentionner d'autres éléments qu'une partie du public pourrait considérer comme étant des colorants? Dans les autres secteurs de la vie économique, l'industriel ne choisit pas s'il va indiquer ou non tel ou tel ingrédient! Il doit tous les énumérer. Ainsi, lorsqu'une comédie musicale utilise des musiciens, c'est mentionné sur les affiches. Par exemple, les onze musiciens du "Jésus-Christ Superstar" donné à Villers-la-Ville en juillet dernier. Par contre, lorsque les comédies musicales françaises envahissaient Forest-National, leur matériel promotionnel n'indiquait jamais que les musiciens cédaient leur place à la diffusion de bandes orchestrales. Donc, deux poids, deux mesures. Pareille sous-information peut mener au fait qu'un public jeune pourrait considérer que la norme d'un spectacle musical serait l'absence de musiciens sur scène. Je ne juge pas ici l'utilité artistique ou non d'utiliser des bandes orchestrales, j'indique simplement que cet ingrédient est occulté lorsque le public décide d'acheter son ticket. Quelle serait la date de fraîcheur d'un CD? Non pas celle du dernier pressage, comme c'est souvent le cas actuellement, mais bien la date des enregistrements des morceaux qu'il contient. Pour que le public ait un moyen de contrôler qu'on ne tente pas de lui vendre des morceaux très anciens avec une photo actuelle de l'artiste sur la jaquette! C'est une "nouveauté" penseraient certains en lisant la date du pressage! Quant aux prix, il n'est pas inutile que, comme dans les autres secteurs économiques, le public puisse les comparer. Il faudrait donc réintroduire la mention des prix sur les affiches. Il faudrait ouvrir le dossier des réductions. Celles-ci peuvent être considérées comme un acquis social pour les chômeurs, les personnes handicapées, les enfants, etc. De plus en plus souvent, ces réductions sont passées au bleu. Par exemple, les achats de places par internet pour les spectacles du Cirque Royal voient les réductions annoncées supprimées. Idem lorsque le public utilise les "chèques accès culture Sabam". Il convient aussi de remarquer qu'il y a moins d'une quinzaine d'années, un colloque du PAC (Présence et Action Culturelle) avait considéré que la prévente des places six mois avant le déroulement des spectacles était exagéré. Aujourd'hui, pour les 80 ans de Charles Aznavour, la location commença 13 mois avant le déroulement des concerts. Aucune réglementation n'empêche le fait qu'on pourrait franchir le cap des 24 mois... De quoi faire encore davantage fructifier en banque l'argent du public! Les autres problèmes concernant la location sont nombreux. L'utilisation de numéros surtaxés (0900, etc.) devrait être interdite. Lorsqu'un concert est annulé, ne faudrait-il pas rembourser l'intégralité de la somme versée par l'usager à son compte en banque, ce qui permettrait à ce dernier de ne plus devoir aller faire la file à la Fnac ou ailleurs! Le ticket constitue pour l'usager l'élément concret de sa tractation avec l'organisateur. Au dos des tickets, sont imprimés assez régulièrement de nombreux textes léoniens qui permettent à l'organisateur de se dédouaner presqu'en toutes circonstances. Des coordonnées où adresser une plainte devraient y être mentionnées. La plupart de ces évolutions des pratiques commerciales peu favorables à l'usager naissent logiquement chez les commerçants de la culture et sont ensuite, petit à petit, reprises par les structures subsidiées. Progressivement, elles deviennent la norme. Il est temps d'arrêter la dérégulation économique dans le secteur culturel. Les exemples proposés ici concernent les musiques non classiques mais cette thématique concerne bien entendu toutes les disciplines artistiques. Voici deux propositions concrètes et complémentaires qui devraient être adoptées par ces Etats Généraux de la Culture. Je demande la création d'une "Commission paritaire". Pareille type de commission fonctionne bien dans le secteur des banques, par exemple. Elle sera chargée, dans un premier temps, d'identifier les "pratiques" qui peuvent fâcher le public dans le domaine culturel. Pour entreprendre pareille tâche, Marc Vandercammen, Directeur général du CRIOC (le Centre de Recherche et d'Information des Organisations de Consommateurs) confirme que les organisations de consommateurs se tiennent à la disposition des responsables de l'administration de la Communaté française ainsi que de la Ministre Laanan. Il serait important que la Ministre sensibilise le fédéral pour que différentes mesures soient prises à un niveau national. D'autre part, il convient d'élaborer un "Code de bonne conduite" au niveau de la Communauté française La Ministre Fadila Laanan a récemment montré son intérêt pour cette démarche et l'Administration de la Culture a fixé au 15 mars prochain la première réunion d'un groupe de travail qu'elle vient de constituer à cet effet. Un premier code de référence doit déjà être proposé en septembre 2005. Henry Ingberg, Secrétaire général de Communauté française, a opté pour ce projet en nous expliquant: "Le rapport à l'usager est un véritable enjeu. Jusqu'à présent, l'autorité publique n'a pas pris en compte cette problématique de manière systématique et organisée. Il y a là une distorsion par rapport à une amplification des pratiques de loisirs par la collectivité". Les organisateurs d'activités culturelles subsidiées s'engageraient à respecter ce code. La Communauté française ferait de l'application de ce code, une condition nécessaire pour l'octroi et le paiement des subsides. Cette obligation permettrait de mieux distinguer la différence de nature des activités subsidiées ou non, objectif qui, s'il était repris au niveau Européen, conforterait la nécessité de pouvoir attribuer des subsides aux activités culturelles. Une promotion du contenu de ce code permettrait au public de mieux cerner la différence entre activités subsidiées ou non. Je vois, personnellement, dans cette option un intérêt financier non négligeable pour le Ministère de la Communauté Française: il est probable que certains organisateurs commerciaux qui ne voudraient pas souscrire à ce code ne seront plus demandeurs de subsides et les sommes ainsi vacantes pourraient être réattribuées à d'autres demandeurs qui, faute de moyens, n'ont pas pu être aidés suffisamment jusqu'à présent. La popularité de ce code devrait avoir pour conséquence l'alignement progressif du secteur privé sur l'initiative publique, un peu comme les produits bio qui se retrouvent désormais dans les supermarchés. Exemples de propositions à intégrer dans ce code:
ConclusionAucun des quinze objectifs proposés jusqu'à présent par les Etats Généraux de la Culture n'est axé, dans le document de base, sur le rapport à l'usager et la création de structures facilitant la défense de ses intérêts. La mise en place du groupe de travail "Code de bonne conduite" est un premier pas positif. Il convient maintenant d'aller plus loin et que les droits des usagers soient mieux évoqués aux cours des prochaines réunions de ces Etats Généraux. Il me semble que les créateurs qui ont une réflexion qui vise le long terme devraient s'emparer de cette thématique, ce qui n'est vraiment pas le cas actuellement. Des associations d'usagers qu'il faudrait susciter seraient certainement leurs alliés face à une industrialisation encore plus tentaculaire de la culture et face aux atteintes à la diversité culturelle. J'entends par là, non seulement la diversité de la production culturelle mais aussi le respect de la diversité des "pratiques" culturelles. Par exemple, pouvoir acheter son ticket de concert par internet mais aussi chez son disquaire. Ou, pour une exposition, pouvoir choisir entre la prévente et le fait de faire la file le jour même pour acheter son ticket au musée. Et... qu'au musée, le ticket ne soit pas plus cher qu'en prévente comme cela se passe au Musée du Domaine de Seneffe! |
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