Nos médias (N°38 / 13 février 2007) Quelques "suivis" dont une victoire!
Un journalisme d'action celui que je ne peux m'empêcher de mener pour vous, chers lecteurs (trices), et pour moi-même aussi! peut rester tout-à-fait honnête lorsqu'il ne se contente pas de relayer et d'expliquer les faits mais qu'il tente également de se mettre au service d'une évolution de la législation ou des "pratiques" en cours dans le secteur qu'il traite, et ce, bien entendu, exclusivement en faveur du bien commun. Si j'affectionne personnellement les timbres postes (et je ne dévoile pas mes autres chères perversions!), il ne s'agit pas d'utiliser la présente chronique du JDM pour conquérir un magazine mensuel axé sur cette thématique sur une télé locale ou sur RTL TVI!
Le "suivi" des dossiers déjà évoqués dans la présente chronique est indispensable pour pareille démarche. Tel est le rôle du Nos médias de cette semaine.
Extérieure et décalée
Avec ma consoeur Karin Tshidimba (La Libre Belgique) et de nombreux auditeurs de la RTBF, nous avions stigmatisé(1) la disparition des chroniques (im)pertinentes de Matin Première diffusées vers 7H20 du lundi au vendredi auprès d'un public potentiel de 200.000 personnes sur La Première.
Elles furent reléguées à la fin du JP de 13H00 que moins de 90.000 auditeurs ont la possibilité d'écouter. Ce remaniement propose aussi la création d'une nouvelle rubrique le samedi: entre 13H10 et 13H35, trois ou quatre des chroniqueurs échangent sur les actualités de la semaine écoulée.
L'ensemble de ce nouveau dispositif se poursuit actuellement et, louable revirement de la direction ertébéenne, la chronique matinale est restaurée depuis peu, du lundi au vendredi à 07H16. Comme quoi, la force de conviction des usagers peut toucher les détenteurs de la programmation du service public.
Plutôt que d'offrir cette tribune à une tournante des chroniqueurs actuels, il a été décidé de la confier à l'un d'entre-eux, qui continue d'être free-lance et donc de proposer un vrai "regard extérieur" à la rédaction ertébéenne. Une voix décalée qui s'intercale entre les flots répétitifs des nouvelles matinales. C'est celle de Paul Hermant, un journaliste-animateur-poète en interaction avec le quotidien. Son premier fait d'arme? À peine sortie de l'adolescence, il "occupa" pendant une semaine le tout jeune et alors presqu'inconnu Renaud au Coup de fusil, l'ancienne maison des jeunes de Charleroi. Celui-ci y chantera et débattra le matin, à l'heure du petit déj des lycéens qui copient leurs devoirs, le midi, le soir... Ensuite, et c'est plus connu, il sera le fer de lance des associations Villages Roumains et Causes Communes.
Les textes de ces matinales sont archivés sur www.lautresite.com. Vous pouvez également vous abonner pour recevoir régulièrement cette séquence en podcasting via www.rtbf.be.
Valorisation royale d'une délocalisation
Les chaînes RTL TVI et Club RTL sont depuis plus d'un an diffusées illégalement en Communauté française parce qu'elles n'ont pas demandé la reconduction de leur licence après avoir émigré au Grand Duché du Luxembourg où la législation est plus permissive. Elles viennent d'être sévèrement condamnées par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) et ont entamé un recours au Conseil d'Etat(2).
Un lecteur commente: "...Je suis indigné du peu de réactions que cette délocalisation juridique a entraîné. J'aurais aimé que l'ensemble de la classe politique boycotte cette télévision en la réservant aux hommes politiques Luxembourgeois. Ce n'est pas le cas et ça me choque comme le fait que les politiques continuent à assister aux exploits sportifs d'une joueuse de tennis qui s'est soustraite à son devoir fiscal de solidarité".
Rebondissement: le 26 janvier dernier, le Roi accompagné de Messieurs Verhofstadt, Di Rupo, Reynders, Picqué, Daerden, Verwilghen et de bien d'autres ont inauguré les nouveaux locaux bruxellois du diffuseur "pirate". Tous les organes de la presse traditionnelle ont relayé complaisamment l'image d'Albert II rigolard occupant la place du présentateur dans le studio du JT sans qu'aucun d'eux ne se demande s'il est bien opportun que nos dirigeants marquent ainsi leur solidarité vis-à-vis d'une industrie audiovisuelle qui s'est délocalisée pour se soustraire aux obligations en cours dans la région d'où proviennent son public et ses annonceurs.
Vais-je paraître excessif si j'ose écrire ce que je pense franchement? Les hommes politiques auraient revalorisé leur image s'ils avaient refusé de participer dès le 1er janvier 2006 aux émissions de ces chaînes illégales et il est bien probable que celles-ci seraient alors revenues dare-dare chez nous car la vie publique belge constitue pour elles un fond de commerce obligé. Mais la royauté (surtout actuellement) et la majorité des hommes politiques veulent occuper les écrans à n'importe quel prix.
Sans réponse
Fin 2004, Pierre-Yves Jeholet (MR), le président de la commission Culture et Audiovisuel du Parlement de la Communauté française, annonçait pour février 2005 un débat sur les contenus des journaux télévisés et plus particulièrement sur la violence: "On ne va pas découvrir l'eau chaude! Soyons pragmatiques: après diverses auditions, il faudra peut-être proposer des recommandations ou légiférer autrement". Hélas, cette réflexion n'a toujours pas eu lieu. Maintenant que les travaux concernant le tentaculaire dossier du nouveau contrat de gestion de la RTBF sont terminés, on peut espérer que la commission parlementaire programmera sans plus tarder cette réflexion promise de longue date. La rubrique Nos Médias du 17/10/2006 (JDM N°230) était consacrée à cette thématique et depuis lors, aucune information ne nous a été transmise pour nous indiquer si ce projet de débat allait se concrétiser ou non.
Je viens donc d'écrire, ce 05/02/2007, à Jean-François Istasse, le président du Parlement, afin qu'il se positionne par rapport à l'organisation de cette discussion et qu'il nous explique les règles en vigueur concernant les réponses à apporter au courrier émanant des usagers: "Je voudrais savoir s'il existe un texte officiel qui contraint les parlementaires à répondre aux courriers du public? Et si la réponse est non, comptez-vous susciter rapidement une évolution de cette situation désastreuse en termes de citoyenneté?".
Pour rappel, différentes organisations culturelles qui appliquent le Code des usagers culturels ainsi que la RTBF doivent répondre aux plaintes endéans les 30 jours ouvrables et de manière circonstanciée (pour éviter les simples accusés de réception).
Davantage de pub à la RTBF?
Deux décrets doivent encore être modifiés par le Parlement afin que les articles concernant l'évolution des règles publicitaires à la RTBF puissent (éventuellement) entrer en vigueur alors que le reste de son nouveau contrat de gestion est déjà en application depuis le 1er janvier dernier.
En fait, la situation a peu évolué depuis que le JDM publié le dossier RTBF: Raz-de-marée publicitaire à la une de sa livraison du 21/11/2006 (N°295).
Jusqu'à présent, rien n'est joué. Les parlementaires auront le dernier mot sur ce sujet, après un débat public. Il s'agit en fait de savoir si la RTBF pourra engranger davantage de recettes publicitaires et si le feu vert sera également accordé pour qu'elle puisse innover en utilisant la publicité interactive ou virtuelle, les écrans partagés, etc.
Les avis du CSA concernant ces modifications décrétales ont été publiés dès le 16/11/2006 (voir avis 8/2006 sur www.csa.be). Le délai pour que ces dossiers arrivent au Parlement dépendra des avis du Conseil d'Etat et des décisions du gouvernement.
La question de fond est, bien entendu, de savoir s'il faut favoriser le renforcement de la présence des annonceurs au moment précis où, pour lutter contre le réchauffement climatique, il va falloir probablement induire un ralentissement drastique de la consommation.
Des lecteurs me demandent comment agir par rapport à ce dossier. Ils peuvent favoriser la médiatisation de ce débat en envoyant des courriers de lecteurs et des cartes blanches aux journaux. Il est utile aussi d'inviter dès maintenant les différents parlementaires, et tout particulièrement ceux de la majorité, à s'exprimer sur leur option en cette matière (pour découvrir la liste des coordonnées des parlementaires: www.pcf.be). Enfin, ils pourront également participer aux réflexions et actions menées par Respire sur ce dossier (www.respire-asbl.be / courriel: wamd8250@tiscali.be).
L'après 13 décembre (suite)
Nouvelle suite de Bye bye Belgium: l'Association des Journalistes Professionnels propose dans sa lettre mensuelle de janvier 2006 un cahier hors série "déontologie" qui constitue un judicieux outil d'éducation aux médias pour adolescents et adultes. À partir des retombées de l'émission du 13 décembre, un réflexion sur le rôle et les limites des règles déontologiques est amorcée. Prix: 3 euros frais de port inclus (AJP, Résidence Palace, Bâtiment C (local 2240), rue de la Loi 155, 1040 Bruxelles. www.ajp.be).
Pétitionnez!
Notre initiative d'ordre journalistique a permis de lever l'ambiguïté sur un point significatif pour le public du nouveau contrat de gestion de la RTBF: “Ce service répond de manière circonstanciée aux courriers et courriels des usagers portant sur des demandes de renseignement ou sur des plaintes, à l'exception des pétitions et des plaintes individuelles qui ont un caractère manifestement polémique, grossier, injurieux ou harcelant, dans les trente jours ouvrables à dater de leur réception, assurant, le cas échéant, une fonction de relais entre les usagers et les services producteurs et administratifs de la RTBF”.
Il faut savoir qu'à l'inverse de certains courriers individuels, la pratique montre que les pétitions ne revêtent quasi jamais un caractère injurieux ou harcelants. Il fallait donc s'assurer qu'aucune interprétation restrictive de ce texte ne permette à la RTBF de ne pas répondre de manière circonstanciée aux pétitions qui lui parviennent.
Notre article publié le 09/01/2007 a permis à Elisa Vainsel, du cabinet de la ministre de l'audiovisuel, de nous préciser: “Renseignements pris, la RTBF ne répond habituellement pas individuellement à chaque signataire d'une pétition. La RTBF envoie un accusé de réception aux initiateurs des pétitions lorsqu' elle reçoit l'ensemble des signatures, en les priant de répercuter auprès des signataires. Pour rappel, l'ancien contrat de gestion ne mentionnait pas la problématique spécifique des pétitions. En conclusion, si la formulation du texte est différente, le traitement des pétitions ne change pas à la RTBF”.
Donc, selon la ministre, représentant l'une des deux parties signataires de ce contrat de gestion, la RTBF doit traiter les pétitions comme les courriers individuels. Puisque le service public doit aussi désormais disposer d'un service de médiation, il est utile pour les pétitionnaires de savoir qu'ils sont en droit de ne pas simplement recevoir une réponse courtoise mais qu'ils peuvent également demander qu'un véritable traitement de conciliation soit mené à propos de leurs revendications.
Bernard Hennebert
bernard.hennebert@consoloisirs.be
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