Nos médias (N°40 / 27 février 2007)
"Télévision du Monde": concrétiser l'utopie?
Bye Bye Belgium a montré qu'un grand nombre de téléspectateurs prenaient émotionnellement pour argent comptant un message pourtant truffé d'invraisemblances. Par contre, Télévision du Monde indique qu'une autre partie non négligeable de notre population garde ses distances avec la société médiatique et souhaite être informée d'une manière radicalement différente.
La presse traditionnelle relayera-t-elle ces deux constats d'une manière équivalente? Attachera-t-elle moins d'intérêt au second, ce dernier étant plutôt une "bonne nouvelle"?
Ici, nous nageons en utopie et pourtant l'idée portée par Paul Wattecamps, un producteur et réalisateur proche des télés locales (notamment la namuroise Canal C), s'est muée rapidement en un projet soutenu par des associations diverses: des Femmes Prévoyantes socialistes à Greenpeace, du Théâtre de Poche au Centre de Prévention de la ville de Nivelle, du Réseau Financement Alternatif au Centre culturel Chiroux de Liège, et près d'une centaine d'autres!
Deux priorités?
Cet engouement inattendu permet de mieux doser la lassitude que de plus en plus de citoyens affichent vis-à-vis des diffuseurs traditionnels et tout particulièrement de notre service public par lequel ils se sentent trahis depuis que le Plan Magellan a défiguré le contenu des programmes. En fait, la RTBF devait une part de son large public à une somme de minorités d'intérêts divers, souvent prises en compte par La Deux.
Mais dès l'arrivée d'Yves Bigot à la direction des antennes, depuis le printemps dernier, cette seconde chaîne s'est vue imposer une vocation généraliste au même titre que La Une. Ce coup de poignard supplémentaire empêche nombre d'usagers du petit écran de croire encore qu'une évolution non mercantile soit possible et les mène à rêver à autre chose. Le choc doit être rude puisqu'il les pousse à négliger une structure largement dotée en leur nom par la Communauté française et dont ils se sentaient à juste titre un peu propriétaires, pour une aventure qui ne dispose actuellement d'aucun financement.
Cette dernière est-elle pour autant impossible? Certainement pas, et si l'on raisonne ainsi jamais les hebdomadaires Pour, L'Hebdo ou Notre Temps, dans les années '70, ou Le Journal du Mardi plus récemment, n'auraient vu le jour. Pas plus que les premières radios ou télés locales. Le réseau internet d'ailleurs peut constituer une formidable opportunité pour faire aboutir pareille initiative.
Mais doit-elle être l'unique priorité? Ne faudrait-il pas parallèlement miser autant d'énergie sur la création d'un puissant mouvement d'usagers, porté par le large secteur associatif, qui imposerait au personnel politique une mutation radicale du fonctionnement et des contenus de nos diffuseurs de l'audiovisuel public? En effet, on est en droit de se demander pourquoi abandonner un outil qui devrait être à notre service afin de chercher de nouveaux financements au profit d'initiatives qui seront marginales, au moins dans un premier temps?
À tout le moins, les deux perspectives ne devraient-elles pas être complémentaires? Hélas, actuellement, il n'existe aucun mouvement associatif investi dans la création de ce pôle d'usagers de la RTBF et des télévisions locales. Ce thème, me semble-t-il, devrait également tenir à cœur aux créateurs d'alternatives.
Engagé dans l'action
Télévision du Monde veut "soutenir toute démarche de prise de conscience des enjeux du monde actuel et d'engagement à les résoudre par la voie démocratique". Elle ambitionne de rassembler tous ceux qui sont "engagés dans l'action pour les droits de l'homme, la solidarité, le développement durable, le commerce équitable, les relations Nord-Sud…".
Le Forum de discussion qui devra permettre d'échanger et d'établir les premiers partenariats pour lancer les bases de la réalisation de ce projet se déroulera ce samedi 3 mars de 09H00 à 17H00 dans l'Auditoire Adam Smith de la Faculté des Sciences, 8, Rempart de la Vierge à Namur(1).
Les noms des intervenants donnent une idée de la diversité des personnalités qui le cautionnent.
Des exposés seront proposés par Jean-Jacques Jespers qui préside la section de journalisme de l'ULB, ou par Josy Dubié qui tirera les leçons de son expérience de rédacteur en chef du magazine Azimuts axé sur les problématiques environnementales dans le cadre de l'unité TV du Programme des Nations Unies pour le Développement.
Le point de vue sur la citoyenneté sera abordé par Benoît Derenne, directeur de la Fondation pour les Générations Futures, et celui des attentes du monde associatif par Arnaud Zacharie, directeur de recherche au CNCD. On entendra aussi les témoignages d'interlocuteurs déjà impliqués: la citoyenne Nathalie Lourtie, le professeur Riccardo Petrella, le sénateur Pierre Galand (bientôt président du Centre d'Action Laïque) et le chanteur Julos Beaucarne.
L'après-midi sera consacrée à l'écoute des témoignages d'individus ou d'acteurs du monde associatif qui ont répondu à l'appel.
Bernard Hennebert
bernard.hennebert@consoloisirs.be
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