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Nos médias (N°20 / 19 septebre 2006)

1.
Avant l'heure, c'est pas l'heure

Comme la plupart de ses confrères, Pierre-François Lovens annonce dans La Libre Belgique du 23 août dernier que la RTBF est "pleine de bonnes intentions": "...L'info? La journée débutera désormais sur La Une à 13 heures, le JT de Thierry Bellefroid se positionnant en face-à-face avec celui de RTL-TVI". Il est vrai que toutes les autorités de la RTBF ont martelé publiquement ce message dans de nombreuses interviews: "Les rendez-vous d'information seront désormais proposés à heures fixes et identifiables".

C'est pour le lundi 11 septembre que ce changement était annoncé. Le matin même, la RTBF diffusait pour la dernière fois une bande-annonce déjà programmée à de multiples reprises: "Tous les jours, à heure fixe... A 13H, le 13H... L'info, c'est sur la RTBF".

Mentira, mentira pas... L'annonce des programmes destinée à la presse (voir illustration) mentionnait, pour le JT de la mi-journée du 11 septembre et des jours suivants: "12.58: Le 13H / Météo" (il s'agit de la météo suivant le JT). Ce 11 septembre, La Libre Belgique, Vers L'Avenir et La Dernière Heure reprennent l'horaire de 12H58, et Sud Presse opte pour 13H.

Sur le télétexte (pas toujours fiable) de la RTBF, il est question de "12H59"...

En réalité, le JT de 13H présenté par Thierry Bellefroid a démarré à 12H58, et le reportage sur le cinquième anniversaire de l'abattement des tours du World Trade Center était déjà en train d'être diffusé sur le service public alors que RTL TVi annonçait les titres du sommaire de son (vrai) 13H.

Cette fourberie à l'égard de ses usagers et des journalistes de la presse écrite démontre une fois de plus que la direction et le service de presse de la RTBF sont obnubilés par l'audimat. Comment tenter de gagner quelques téléspectateurs de plus par des moyens douteux qui n'ont rien à voir avec une évolution "service public" plus significative du contenu de ses émissions. Et dire que la pression des annonceurs risque encore de croître à l'avenir, au moment où la RTBF sera en mesure légalement d'engranger encore davantage de ressources financières émanant de la publicité, dès janvier 2007...

2.
RTBF: l'horaire de son JT de la mi-journée chahuté par les intérêts publicitaires
Le 12H45 ou le 12H56? Et le 13H ou... le 12H58?

Mais pourquoi donc, à la fin du JT de 19H30 de la RTBF, le présentateur annonçait très souvent au public que celui-ci avait rendez-vous le lendemain avec Anne Delvaux ou Thierry Bellefroid dès 12H45 alors que le JT de la mi-journée ne commençait que vers 12H56?

La question mérite d'être posée au moment où Yves Bigot, le nouveau directeur des antennes de la RTBF, a mis en place un nouvel horaire pour cette rentrée télé 2006: "Le journal du midi à 13H et non à 12H50: ce n'est pas un horaire, ça!", selon Le Soir (15/07/2006).

L'histoire démarre, il y a tout juste onze ans, jour pour jour! Le 19 septembre 1996, l'ATA (Association des téléspectateurs actifs) déposait plainte auprès de la Commision d'éthique de la publicité (CEP) parce qu'elle considérait que la RTBF, dans son nouveau rendez-vous du midi, contrevenait à son obligation de ne pas couper par de la publicité ou du sponsoring ses émissions d'information. En effet, la campagne d'affichage titrait "12H45. Tiens, c'est déjà l'heure du JT" et une publicité parue dans Le Soir indiquait "12H45. Le 1er JT de la journée" et "Dès 12H45, toute l'info. Y compris la bourse et la météo". Or, à l'époque, le sommaire du JT diffusé à 12H45 était suivi par la météo sponsorisée. La RTBF voulait ainsi faire croire qu'il y avait une plage publicitaire autonome précédée par une mini émission consacrée à l'annonce des titres et suivie d'une autre émission, le corps du JT lui-même... mais comment celui-ci pouvait-il se nommer le "12H45" alors qu'il ne commençait jamais à cette heure-là? Bien entendu, cette stratégie avait pour intérêt de capter les téléspectateurs dès 12H45 afin de leur proposer un écran publicitaire qui sera, au fil du temps, de plus en plus étoffé, se prolongeant finalement pendant une dizaine de minutes pour céder la place au JT de la mi-journée, en semaine, vers 12H56.

Pour " les annonces faites à l'antenne et les autres modes de communication mis en œuvre par la RTBF", la CEP recommandera, le 29 octobre 1996, à Laurette Onkelinx, à l'époque ministre de l'audiovisuel, "d'inviter la RTBF à lever toute ambiguïté quant à l'heure à laquelle débute réellement le JT de la mi-journée". Ce qu'évitera de faire la RTBF pendant près d'une dizaine d'années... Par exemple, dans un entretien à La Dernière Heure publié le 31 décembre 1996, Jean-Louis Stalport, l'administrateur général de l'époque, "salue l'ensemble de l'équipe qui réalise le 12H45". Plusieurs rappels à l'ordre de la rédaction de la RTBF entrepris par le CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel) et par Françoise de Thier, la médiatrice de la RTBF, seront vains. Le dernier exemple flagrant date du 2 décembre 2003: une note interne stipule qu'à partir de ce jour-là: "Thierry Bellefroid présentera le 12H45". Cette "ambiguïté" mènera Marianne de Boeck, la médiatrice de la Communauté française, à intervenir. Ce sera l'un de ses premiers dossiers qu'elle fera aboutir dans le cadre de ses prérogatives liées à l'audiovisuel(1).

Ce n'est pas un dossier mineur

En lançant cette plainte qui pourrait paraître mineure, l'ATA voulait surtout mener un travail préventif: "Nous ne trouvons pas normal que la RTBF sépare le sommaire du déroulement du JT. L'étape suivante sera peut-être de créer un JT d'informations belges, suivi d'un JT international, chaque JT étant séparé par de la publicité!". Dans sa recommandation du 29 octobre 1996, la CEP annonça qu'elle allait préparer un avis "sur la fragmentation progressive des émissions d'information de la RTBF dont le corollaire possible est l'introduction de la publicité dans ces émissions". Cet engagement ne fut pas concrétisé car la commission a dû clôre ses travaux pour être intégrée dans le CSA. Depuis lors, ce dernier n'a jamais abordé cette thématique. Et ce, malgré le souhait d'Henry Ingberg, Secrétaire Général de la Communauté française, exprimé à l'ATA, le 15 mai 1997: "...Ayant à l'esprit la nécessaire continuité dans l'action du service public, je peux vous assurer que je relaierai, au sein du futur Collège de la Publicité du CSA, les questions que la CEP entendait aborder mais auxquelles elle a dû renoncer, faute de temps".

Le prochain contrat de gestion de la RTBF pour 2007-2012 se devrait de concrétiser pareille proposition. Découvrant ce dossier, la ministre Fadila Laanan écrivait en effet, le 22 juillet 2005: "Je vous rejoins sur l'importance d'encadrer clairement la diffusion publicitaire, et en particulier autour des émissions d'information. Soyez assuré de l'attention que je porterai à cette question lors de la renégociation du contrat de gestion".

Bernard Hennebert
bernard.hennebert@consoloisirs.be

(1) Ce dossier "12H45" est présenté en page 164 du rapport annuel du Service du médiateur de la Communauté française.



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